Bon baisers des limbes

Je regardai autour de moi, j’étais toujours un peu perdue. Mon docteur cherchait à me réconforter, et ça me faisait tellement de bien. Cet environnement était quand même inquiétant, et même si Jenny m’avait dit que j’aurais pu me faire piéger par un ténébro n’importe où, c’était ici que ça s’était produit.
Je n’avais qu’une envie, c’était de trouver Serenity, la ramener, et détruire cet endroit, si tant était que ce soit possible. Je me demandais comment elle avait pu survivre aussi longtemps en cet enfer, surtout une personne qui n’avait rien fait de mal.
Je m’assis, et vins me blottir dans ses bras, ça me faisait du bien à ce moment, un peu de tendresse dans un endroit qui en était totalement dénué. Et, je pensais à tout ça. Cet endroit semblait fait pour faire ressortir le mal, les ténèbres en nous. Et pourtant, je me rendais compte qu’il n’avait pas forcément le résultat escompté.
Jenny avait réglé le problème des nymphes d’une façon quand même très « docteur », en ne les massacrant pas jusqu’à la dernière. Et, pourtant, elle aurait pu le faire, se le permettre, et je ne pensais pas qu’elle en soit capable. Cette jeune femme était la digne fille de son père. Et, mon docteur, pareil, il avait laissé une chance à chacun, dommage pour le ténébro qu’il n’ait pas su la saisir.

R : Merci, c’était l’enfer, je me suis retrouvée piégée dans un cauchemar, prisonnière de mon propre corps, et incapable d’en reprendre le contrôle. Et, le pire, c’était qu’un moment, j’avais vraiment l’impression de faire ça de mon propre chef. C’était horrible, merci de m’avoir tirée de là, j’avais tellement peur que tu croies que j’avais juste peté les plombs à cause de l’environnement. Comme face au météore, heureusement que tu me connais bien.

Je l’embrassai, de toutes mes forces, je me sentais tellement bien, auprès de lui, puis je posai ma tête contre lui, et fermai les yeux quelques minutes, bercée par les battements de ses cœurs.

Je l’écoutais parler, alors, il savait où elle était depuis un moment, décidément, il était plein de surprises. Mais je ne comprenais pas trop.

R : De toute façon, dans tous les cas, il faudra qu’on y aille, alors pourquoi repousser ? Autant y aller le plus vite, pour en avoir fini le plus tôt, je pense. Et je te dirais bien de ne pas t’inquiéter pour nous, et de nous surprotéger, mais je viens de montrer que j’ai quand même un peu besoin de protection. En revanche, je pense que Jenny t’a montré qu’elle est digne de toi, et qu’avec l’expérience qui va venir, elle finira par être une sacrée dame du temps.

Puis, il me parla de détruire cet endroit, je comprenais sa position, et, au fond, je pensais que c’était la meilleure chose à faire.
R : D’un côté, je comprends ton désir de détruire cet endroit, mais, les créatures qui sont là sont des créatures vivantes, et, une fois qu’on sera repartis, et qu’il n’y aura plus d’accès à cet univers de poche, autant les laisser vivre, elles ne menaceront personne, je pense. Je sais que détruire ta planète pour sauver une infinité de vies, ça t’a fait terriblement souffrir, au-delà de l’endurable, mais, si tu détruis un autre univers, sans véritable raison, si ce n’est la volonté de détruire l’œuvre de Rassilon, je crains que les pensées pour ces créatures te hantent.

Puis, il me parla de ce qui nous attendait. Mais, moi aussi, j’étais capable de me mettre en rogne, et de perdre le contrôle.
R : Je comprends, et ne t’inquiète pas, concentre-toi bien sur le lien qu’il y a entre nous, cet amour qui nous unit, je ne vois pas quel maléfice de l’autre Rassilon pourrait briser ce lien, et tu auras aussi tes liens familiaux, avec ta tante, et ta fille, ce sont des liens forts qui ne peuvent que te protéger. Et s’il y a besoin que je fasse le Dalek, et que je t’extermine à coup de bisous, je le ferai. Et parle moi de cet endroit que tu crains.

Et je lui fis un énorme bisou sur le nez pour appuyer mes dires, en lui laissant une belle trace rouge, ça amuserait bien les autres, quand ils la verraient. Puis, je me reblottis dans ses bras, attendant et appréhendant le moment où il faudrait y retourner

Un endroit sans repère, complètement perdu, qui exacerbe ce qu’il y a de négatif en nous, quelle horreur ! Qu’est ce qui avait pu inspirer une telle ignominie. Je réfléchissais, et me dis qu’il me faudrait faire comme m’avait bien appris Mary, faire disparaitre tout souvenir, toute émotion dans les limbes de mon esprit.

R : Je me demande pourquoi Serenity était-elle partie là-bas, et depuis combien de temps y était-elle partie ?

Je changeai de position, parce que je commençais à avoir une légère crampe, puis, je lui refis un bisou, avant de le regarder avec un petit air coquin. J’espérai que ce bon moment lui donnerait assez d’assurance pour traverser cet endroit infect qui nous attendait. Moi, ce mon moment m’avait bien remis les idées en place, et je me sentais parfaitement d’attaque. Mes idées s’éclaircissaient, et je me sentais tellement plus légère, et prête à affronter ces moments difficiles.
Je passai ma main dans ses cheveux, tranquillement, paisiblement, avec un petit regard amoureux. Je tenais, le plus naturellement, et innocemment, du monde, à lui donner un maximum de bonnes pensées, de choses à se raccrocher. Je me sentais tellement bien auprès de lui, mon cœur battait paisiblement.
Nous restâmes un long moment ainsi, puis, nous finîmes par nous lever, et retrouver les autres, après tout, ils devaient s’impatienter, eux aussi, en milieu hostile, ainsi. Finalement, nous nous rejoignîmes, plus loin dans la ruelle, Jenny nous regardait d’un petit air amusé, elle devait sans doute avoir remarqué les traces de rouge sur le visage de mon époux.

J : Alors, comment vont les parents ? Ils ont bien récupéré ?

M : Enfin, regarde toi, mon neveu, c’est quoi cette apparence ? Tout débraillé, et avec des traces sur le visage. C’est ainsi qu’on t’a éduqué ?

J’éclatai de rire, un bon moment de rigolade, ça ferait du bien à tout le monde, avant un moment difficile qui s’annonçait. Et nous prîmes la direction de l’objectif.

Oh, là là, sacré docteur, il cherchait à rendre sa tante folle, et son air outré était amusant. J’éclatai de rire, vraiment de bon cœur, et je fis un petit geste avec deux doigts pour en rajouter un peu, ce qui fit exploser Jenny complètement. Nous avançâmes vraiment morts de rire, et je vivais un vraiment bon moment.

Puis, les chutes des âmes condamnées se présentèrent devant nous, dans un bruit assez douloureux, comme un bourdonnement infernal, une sorte de grondement étouffé, composé de nombre de gémissements. Je regardai plus attentivement, et je me dis que ce qui coulait n’était pas de l’eau. Une observation plus approfondie me montra qu’il s’agissait plus d’un liquide sombre et visqueux, un peu à l’image de ce qui coulait sur le sol dans les catacombes, le mouroir des Dalek. Je préférai ne pas m’en approcher, un peu écœurée.

Le bruit, et les odeurs, c’était carrément dégoûtant, je faillis vomir plusieurs fois, puis, je finis par m’habituer. Je me mis à fredonner une chanson pour me concentrer sur un autre bruit que ce brouhaha qui me dérangeait pas mal. Je regardai autour de moi, Mary paraissait impassible, Jenny était toute pâle, quant au docteur, il était devant moi, et je ne pouvais distinguer son état.

Il fallu descendre au bord de cette étendue de liquide, à la recherche d’un esquif pour traverser, et nous descendîmes un petit chemin escarpé qui nous amena sur le rivage. Au cours de la descente, je marchai sur un caillou et glissai violemment, ce qui me fit finir la descente sur les fesses. Je regardai Jenny, qui semblait bien s’amuser de ma mésaventure.

Mais, elle vient rapidement m’aider à me relever, en s’enquerrissant de ma santé, j’allais plutôt bien, et ne m’étais pas fait mal, je lui souris, et m’avançai vers la rivière, observant une embarcation qui, malheureusement se trouvait de l’autre côté. Je me tournai vers le docteur, qui, je l’espérais, aurait une bonne idée pour l’atteindre, ou une autre solution pour traverser.

Je regardai Mary créer son pont, et je me demandai si c’était un pouvoir de seigneur du temps, ou une technique qu’elle aurait appris au cours de ses voyages. Je me doutais que c’était la seconde option, sinon, mon docteur aurait bien été capable de faire de même. Mais alors, il me serait possible d’apprendre à le faire, peut-être, avec beaucoup de travail, et, sans doute, l’aide de mon amie Tardis.

Je me rendis compte qu’elle me manquait, elle aussi, sa présence rassurante, bien que souvent invisible, me faisait défaut. Bientôt, ça serait le cas, dès que nous aurions réussi à récupérer Serenity, et rouvert un portail pour rentrer, je respirerai mieux.

Mary nous annonça qu’il faudrait attendre que le docteur ait réparé cette barque, je lui faisais confiance pour faire du bon boulot. Il fallait patienter, nous n’avions pas le choix.

Je m’assis, et regardai le liquide qui coulait dans cette rivière, un truc visqueux, et peu avenant. Je me demandais bien ce que c’était, mais, au fond, je préférais ne pas le savoir, Parfois, il valait mieux ne pas poser de questions, de crainte d’y avoir une réponse.

Et y avait t’il des créatures à l’intérieur ? Vues la cruauté et la perversion de Rassilon, c’était bien possible que ce soit bourré de monstres carnassiers. A moins que cette viscosité ne soit acide et corrosive.

Toujours aussi débordante d’énergie, Jenny se mis à patrouiller sur la rive, pour s’assurer qu’aucune créature nuisible ne vienne nous embêter, ce qu’elle savait bien faire. Et Mary discutait de son côté avec Ascrop, elle lui racontait ce qu’il s’était passé dans l’univers depuis son exil.

Je ramassai un galet sur le sol, et le lançai sur la rivière pour faire un ricochet, mais, à peint eut t’il touché la surface qu’il se retrouva englué, et commença doucement à s’enfoncer, décidément, cette matière ne me plaisait pas. Je supposais que cette embarcation était prévue pour traverser, telle la barque de Charon, mais, alors, où était le nautonier ?

Je sortis mon tournevis, et scannai la région à la recherche d’une trace de vie, mais, je ne détectai rien, en tout cas, de ce côté de la rivière. Après, depuis l’incident des nymphes, je ne me fiais plus totalement à mon tournevis, qui les avait bien reconnues comme des seigneurs du temps, à moins que l’illusion des nymphes, n’aie faussé ma lecture des données.

Je regardai de l’autre côté, où mon docteur s’affairait sur la barque, et j’espérais qu’il finisse rapidement.

Je regardai la barque arriver à une allure désespérément lente, et je me relevai en l’attendant, ça m’avait fait du bien de m’assoir un peu, ma chute de tout à l’heure m’avait un peu plus blessée que je le croyais, et ma cheville me faisait un peu de mal. Mais l’énergie temporelle en moi réparait ça assez vite, et je parvenais à marcher normalement lorsque le navire arrive à notre hauteur.
Je montai à l’intérieur.

R : La barque des limbes, c’est marrant, je pensais tout à l’heure à Charon, et le mythe du passeur qui faisait traverser le fleuve des morts, moyennant une pièce, je n’ai pas de monnaie sur moi, alors tu devras te contenter d’un gros bisou.

Je lui administrai un énorme baiser qui lui laissa une trace de plus, j’abusais, quand même. Bientôt, il aurait plus de maquillage que moi, sur lui, pour une première rencontre avec sa belle-sœur, ça promettait, cette pensée me tira un petit sourire. Je regardai la barque, si elle ne payait pas de mine, comme ça, de l’extérieur, technologie de seigneur du temps oblige, elle était beaucoup plus grande à l’intérieur, un vrai petit bateau mouche.
Finalement, la traversée pourrait être sympathique, même si, je n’oubliais pas où nous étions, et je me doutais bien qu’un problème allait nous arriver à un moment où l’autre.

Alors que les autres se dirigeaient vers l’arrière du bateau, je revins vers mon docteur.

R : D’après toi, Serenity, pour arriver jusque-là, même si elle a eu beaucoup plus de temps que nous, crois-tu qu’elle y est allée seule ? Ou qu’elle s’est fait des compagnons, que nous devrons peut-être ramener, eux aussi. Ou que nous avons pris le chemin le plus long et dangereux. Parce qu’avec tout ce que j’ai lu de son journal, je ne vois pas comment une jeune femme terrorisée a fait pour survivre dans cet environnement.

Au fond de moi, je le savais parfaitement, le lien qu’elle avait pour son Epsilon, cet espoir qu’elle avait de le retrouver pouvait lui avoir fait accomplir des miracles. Une petite voix dans ma tête me disait « comme celui de traverser le void ». Et, plus les choses avançaient, plus je me retrouvais dans Serenity, au fond, elle avait vécu, ce que j’avais vécu, ramené à l’échelle de nos espérances de vies respectives.
Je retournai m’assoir, un peu tremblante, je me disais que la sauver, elle, c’était quelque part, me sauver, moi, de mes démons.
Et, subitement, une vision me frappa, de plein fouet, ici, dans les limbes.

***
J’étais à nouveau dans le corps de Rassilon, et il était en train de construire l’arche de Génésis. Et, je découvris qu’il avait anticipé de se faire piéger dans un monde parallèle, comme il l’avait été dans sa tour noire, d’après ce qu’il disait à son interlocuteur, l’aigle renaitra sous la forme d’un canari ! Et qu’il avait l’intention de se servir des Daleks pour ça.
***

Je sortis de ma vision, un peu paniquée, ne comprenant pas trop ce que tout ça voulait dire. Et, pour le moment, je gardai ça pour moi, on, avait assez de soucis comme ça, sans en rajouter. Tout le monde était en train de regarder ce qu’il se passait, là autour, alors personne n’avait fait attention à moi, à ce moment-là, enfin, je le pensais.

Apparemment, cette vision qui me paraissait pourtant anodine avait l’air de m’avoir plus affectée que prévu, puisque mon docteur vint me voir, et me donna sa veste pour me réchauffer. L’attention me toucha quand même, pas mal.

R : Un petit coup de froid, rien de méchant, ne t’inquiète pas, finalement, j’aurais dû la prendre, cette couverture.

Et je souris pour le rassurer. C’était vrai que je tremblais un peu, entre la vision et ce petit coup de froid. Puis, Ascrop vint s’assoir à côté de moi, c’était vrai que nous n’avions pas encore trop eu l’occasion de faire connaissance, tous les deux. Je me tournai vers lui, et me présentai, et nous prîmes un peu de temps pour faire meilleure connaissance. J’étais contente de l’avoir rencontré, si ça pouvait nous permettre de sauver une personne de plus, finalement, il n’aurait pas été inutile de venir. Surtout que ce gars avait l’air plutôt agréable.

Puis, soudain, l’esquif s’arrêta brutalement, et nous nous levâmes pour aller voir ce qu’il se passait. Un obstacle bloquait notre avancée. Je me demandais bien ce qu’il pouvait se passer… Encore…

Je regardai là bas, et je voyais une sorte de gros barrage sombre.

R : Est-ce que ça veut dire qu’on descend et qu’on finit à pieds ? Ou bien qu’il va falloir aller dégager la route ?

De toutes façons, il allait falloir descendre, et je me demandais bien ce qu’il pouvait nous attendre, c’était quand même étrange, ce barrage, c’était comme si les limbes tentaient de se défendre. Quelles créatures nous y attendaient ? Les chiens astraux dont avait parlé le docteur il y avait un petit moment ? On n’avait pas encore rencontré ces trucs-là. A moins que ce ne fusse qu’une légende. Ce qui m’aurait étonnée quand même. Il y avait assez de choses ahurissantes réelles en ce monde sans avoir besoin d’en ajouter.
Le docteur me déteignait décidément dessus, je me sentais toute curieuse d’aller découvrir ça ! Et je me dirigeai vers la proue, souriante.

Je regardais la bestiole, assez impressionnante, certes, mais ce n’était pas une machine, je le ressentais. Et qui disait créature vivante, organique, disait dotée de raison. Un instinct qu’il est toujours possible de tromper. Et c’était une créature vivante, qui ne méritait pas de mourir, pas si je pouvais faire autrement, en tout cas.

R : Laissez-moi essayer quelque chose, d’abord.

Je fermais les yeux, et concentrai toute mon énergie, car, pour créer ce que je voulais créer comme illusion, il allait me falloir me surpasser. Mais j’avais bien réussi à entrer dans la tête d’un simulacre, alors, pourquoi pas ? Je me concentrai pour lui faire apparaitre un énorme poisson du genre, bien plus gros que notre esquif, devant lui, et lui créai l’envie de ce poisson, la faim, le désir de se repaitre de lui. Et je fis nager ce poisson loin de nous, dans la direction opposée à notre destination.

Au début j’eux peur que ça ne prenne pas, le kraken ne semblait pas s’intéresser à la proie que je lui donnais, puis je compris que je ne lui donnais pas tous les éléments, et je rajoutai, dans mon illusion, les vibrations du liquide , et ça parvint à attirer son attention.

R : Je continue à l’occuper, dépêchez-vous de passer !

J’espérais que la traversée ne dure pas trop longtemps, parce que je craignais de m’épuiser assez vite, une illusion de cette taille, pour une novice de mon acabit, c’était un sacré gros morceau. Si je tenais une heure, ce serait déjà un bel exploit. Je faisais danser mon poisson, en lui faisant éviter toutes les attaques du vermisseau, et la pensée m’amusa. Sur ma planète, on utilisait les vers pour attraper les poissons, ici, c’était l’inverse.

Je sentais le bateau qui bougeait, mais je ne me concentrai que sur l’illusion. En me disant que je pouvais tenir le plus longtemps possible, et que, peut être qu’en cas de besoin, Mary pourrait prendre le relais. Docteur junior Rose, celle qui essayait de trouver la solution qui ne détruirait pas de vie avait frappé.

Ca faisait un moment que je faisais diversion, et je ne savais pas du tout ce qu’il se passait autour, lorsqu’on vint me tapoter sur l’épaule. Et j’entendis qu’on me disait d’arrêter. J’envoyai mon poisson nager loin de nous, très loin, et disparaitre dans le néant de l’oubli. J’eus une petite pensée triste pour ce lombric qui devait être bien déçu, mais je préférais ça, plutôt qu’il ne se soit rassasié avec nos personnes. Puis je sortis de ma gestion d’illusion, et revins à la réalité. Je me retrouvai face à Mary, qui paraissait épatée.
Je me sentais terriblement à bout de souffle, garder une concentration au maximum pour maintenir une illusion pareille aussi longtemps, c’était fort difficile.

R : On a eu de la chance, cette créature n’avait pas de grandes défenses ce qui m’a permis de garder l’illusion un petit moment.

Mais, au regard qu’on me lançait, je devinai que ce n’était pas juste un petit moment, mais que j’avais du occuper la bestiole durant un temps considérable.

M : Et bien, diantre, si je m’attendais à ça, que tu sois capable de créer et maintenir une illusion de la sorte. Là, tu m’impressionnes.

Je devins toute rouge, pour que la maitresse des illusions me fasse un tel compliment, c’était que j’avais vraiment réussi une belle performance. Et Jenny vint à nos côtés.

J : Et bien dis donc, la princesse, elle assure ! Rappelle-moi de ne plus me moquer de toi, je n’ai pas envie de me retrouver piégée dans une de ces illusions.

R : Oh, tu peux me taquiner quand tu veux, ma belle, c’est toujours un plaisir de rigoler avec toi.

Puis, je tiltai que mon docteur n’était pas là. Mais où s’était t’il encore envolé, lui ? Je regardai autour de moi, et on m’apprit qu’il avait sauté dans la bouillasse là-dessous. Je m’inquiétai un peu, parce que même si je savais qu’il ne faisait pas les choses de manière irréfléchie, bien qu’il en donnât souvent l’impression, les risques qu’il prenait étaient, le plus souvent, calculés. Je m’assis sur le banc, et pris sur moi de l’attendre. J’espérais qu’il remonte vite, quand même. Je regardai mon tournevis, espérant un message de sa part. Mais, pour le moment, rien.

Alors, Mary nous proposa de plonger là-dedans, ça ne m’enchantait guère, mais bon, si c’était ça ou patienter là-dessus jusqu’à la fin des temps, autant le faire. Mais je me disais que si Sérénity avait fait tout ce chemin, qu’elle était arrivée jusque-là, malgré les pièges, et les illusions, c’était qu’elle était vraiment très forte. Ce n’était pas l’amie d’enfance de Mary, et le grand amour d’Epsilon pour rien.

Au revoir petit bateau. Je m’élançai, et tentai un plongeon le plus gracieux possible, et réussis une belle performance qui m’aurait valu un deux sur dix d’un juge qui aurait eu pitié, et finis sur un magistral plat sur cet océan de gelée.

Je me souvins que le docteur m’avait donné, quelques temps auparavant, une sorte de chewing-gum alien pour pouvoir respirer plus longtemps sous l’eau, j’en mis un dans ma bouche, et commençai à m’enfoncer dans cette matière répugnante.

J’espérais qu’ils savaient ce qu’ils faisaient, parce que finir noyée là-dedans était une perspective qui me n’enchantait guère. Jenny, elle, ne se posait pas ce genre de questions, et je la voyais déjà s’enfoncer dans une brasse coulée efficace. Les deux autres la suivaient, alors, je décidai de ne pas rester en arrière.

Alea jacta est, j’enfonçai la tête dans cette substance étrange, et m’élançai à la poursuite des autres. Finalement, nager là-dedans était moins désagréable que ce que je craignais, et je suivis les autres, qui avaient quand même pris un peu d’avance. Je pensais à la douche que j’aurais bien méritée, après tout ça. Puis, après quelques minutes, au bout desquelles je remerciais mon chewing-gum, je finis par arriver dans une zone différente, une sorte de bulle sous-marine, où nous étions dans un véritable liquide. Sans doute pas de l’eau au sens où je la connaissais, mais, ça y ressemblait quand même beaucoup plus. Une sorte d’eau terriblement pure, dans laquelle nageaient, ce que je soupçonnais d’être des milliers de tout petits poissons, semblables à des paillettes multicolores. Et mon docteur était là, un peu plus bas, proche des autres.

A part Jenny, évidemment, qui furetait autour, comme à son habitude.
Je m’approchai de lui, et lui tendis une de ses gommes à respirer, depuis le temps qu’il était là-dedans, il en aurait sans doute besoin, et avait-il prévu le coup ?

Puis, Jenny revint vers nous, pour nous montrer qu’elle venait de découvrir une sorte de grotte sous-marine. Ce qui semblait être la direction. De toute façon, il fallait trouver un chemin.
Je me mis à nager derrière elle, tranquillement. Et nous entrâmes dans la grotte, une cavité plutôt jolie, aux parois constellées de cristaux. Je m’avançai là-dedans à sa suite, et je me sentis tout de suite plus faible.

Les mêmes cristaux que dans le Tardis, ceux qui absorbaient l’énergie temporelle. Super, j’allais encore être un fardeau. J’avançai de plus en plus lentement, en priant pour que cette traversée ne soit pas trop longue, quand je sentis qu’on m’attrapait par la main.

Je sentais qu’on me tirait le bras, et, une terrible brûlure au niveau de la main, je regardai qui le faisait, et j’eus une surprise qui faillit me faire boire la tasse. Mais, que faisait t’elle ici ? Encore une illusion des limbes ? Non, ce n’était pas possible, après l’incident du ténébro, j’avais sciemment altéré certains de mes souvenirs spécialement pour éviter ce genre de choses, si j’étais dans une illusion, j’aurais pu les reconnaitre grâce à ça.

Je devenais un petit génie, au contact du docteur.

Et la personne que j’avais en face de moi avait bien les yeux de la bonne couleur, de celle de notre rencontre, donc c’était bien la réalité.

Et, elle créa une bulle protectrice autour de nous, et m’emmena au bout de la grotte, où mes compagnons avaient réussi à arriver, mais, autour de nous, tout était figé. Et elle me regarda.

F : Nous sommes dans une bulle temporelle, je suis intervenue, parce que tu avais besoin de moi. Que tu perdais le fil, et tu n’es pas la seule. Ce liquide est un alterateur temporel, et ainsi, chacun d’entre vous est tombé dans un espace désynchronisé, avec des rémanences de ses amis, qu’il croit être eux, mais, en réalité ce ne sont que des souvenirs, un peu comme des fantômes. Il faut que vous brisiez la matrice. Le docteur l’a compris, mais il n’aura pas la force de le faire seul. Donne-moi ta main.

Je lui souris, avec bienveillance, et lui tendis les bras, et, soudain, je sentis une brûlure terrible qui traversa tout mon être et je me retrouvai connectée à mon docteur par la pensée, grâce à mon interlocutrice qui arrivait à guider notre connexion à travers le temps et l’espace, en utilisant le lien absolu et indestructible qui nous unissait. Et, je pus lui expliquer ce qu’il en était, et j’étais prête à lui donner un coup de main, et faire tout ce qu’ils me demanderaient, tous les deux.

Je le regardais, à travers la zone temporelle, il semblait parler à quelqu’un, un fantôme, le mien ? Puis, il sembla perdre son énergie et sa conscience, ce qui coupa notre lien. Décidément, cet environnement était vraiment puissant pour arriver à le tromper, lui aussi, et malgré l’intervention de sa mère, qui me regarda avec déception. Je ne comprenais pourquoi, à travers le temps et l’espace, à travers tout ce qui nous distanciait, et même à travers les univers, elle avait décidé d’intervenir. Grâce à cet anneau au pouvoir insoupçonné, elle était là, et elle allait parvenir à nous sortir de là.

R : Verity, qu’est-ce qu’est la matrice ? Et comment la battre ?

V : La matrice, c’est l’ensemble généré au niveau cellulaire de l’endroit. Il faut voir le liquide comme une sorte de réseau neuronal…

Elle me regarda et vit mon air déjà perdu

V : Imagine qu’au lieu de l’eau, tu aies de l’air, cet air pourrait transporter des ondes radio ou autres sans fil pour parvenir à transférer des informations. Ici, c’est un liquide temporel, qui parvient à faire vibrer les êtres qui sont à l’intérieur, et les décaler légèrement dans le temps, pour les désynchroniser les uns des autres.

Je me demandais ce qu’il fallait faire pour les retrouver, surtout que je voyais que le signal de Verity diminuait, elle ne resterait pas longtemps ici. C’était évident, vu l’environnement, et ces cristaux qui nous absorbaient l’énergie, et bientôt, l’image disparu.

La matrice, c’était donc un immense réseau wifi, et un réseau, ça se pirate. Je m’assis sur le bord de la rive, et regardai ce liquide. Il fallait que je resynchronise tout le monde, je sortis mon tournevis, et scannai l’onde. Des données bien complexes apparurent, et le tournevis m’indiqua un endroit où les vibrations semblaient les plus puissantes, et, par chance, c’était dans la grotte. Je me dirigeai vers cet endroit, et y vis un énorme cristal. Celui-ci semblait différent, comme si quelque chose se trouvait à l’intérieur. Un corps ?

Et l’horrible vérité me sauta aux yeux, cet endroit servait de réserve d’énergie aux limbes, et les victimes finissaient prisonnières des cristaux, qui leur ponctionnaient leur pouvoir afin de les renforcer, Rassilon avait vraiment prévu tous les coups de vice possibles.

Je tendis mon tournevis, et pensai fort à la possibilité d’inverser le processus. Petit à petit, le cristal sembla fondre, et au bout d’un moment, je pus accéder à une machine, que j’utilisai pour recoder la configuration des lieux, pour que cette machine, qui amenait les gens ici pour les piéger ne le fasse plus, et, au contraire, que la machine oblige les cristaux à libérer l’énergie qu’elles ont pris. Petit à petit, les limbes allaient s’effondrer, à ce que je déduisais, au moins, ce réseau matriciel allait disparaitre. Les fantômes de mes compagnons disparaissaient à vue d’œil.

Mon tournevis détecta des signes de vie, dans l’eau. J’y plongeai, nageai un moment, et j’attrapai quelqu’un qui flottait. Puis, je parvins à ramener, difficilement, Ascrop, sur le bord de l’eau. Il me fallait retrouver Jenny, Mary et mon docteur, c’était le plus important, désormais. Je replongeai, dans la direction où se trouvait la personne suivante détectée par le tournevis, et, je finis par retrouver Mary, que j’amenai également sur le bord de l’eau. Je commençai à ne plus en pouvoir, mais il me fallait y arriver. Le tournevis me détecta une source de vie derrière moi, plus profondément dans la grotte. Je m’y avançai, apparemment, il y avait d’autres entrées dans cette grotte.
J’y avançai, au milieu des cristaux en liquéfaction, et, finalement, j’entendis une petite voix faiblarde.

J : Pas facile dans cette zone, princesse, j’ai bien cru que j’allais y rester. T’as de la chance de ne pas être une dame du temps, ça t’a protégée.

Et nous suivîmes le signal de mon tournevis, je tentai de la soutenir, plus les cristaux perdraient leur énergie, plus elle en récupérerait, elle aussi. Et il en serait de même pour les autres, mon docteur allait, j’espérais, retrouver sa vigueur, bientôt, et nous rejoindre. Et les deux autres aussi.

Finalement, nous entrâmes dans une petite pièce.

Nous entrâmes dans la pièce, circulaire, humide aussi. Les cristaux fondaient largement autour. Rassilon n’avait pas prévu qu’un docteur junior se ramène avec un tournevis sonique, et lui désagrège son espace, son univers de poche. Mais ça ne me plaisait pas, quelque chose clochait, pourquoi un univers aurait besoin d’une source d’énergie externe ?

La seule chose qui aurait nécessité qu’on la charge, ce serait le lien vers Gallifrey, le portail entre les deux mondes, mais, celui-ci aurait dû être relié depuis Gallifrey, pas depuis ici. Quelque chose ne me convenait définitivement pas, ces cristaux devaient avoir une autre utilité.

A moins que ce ne soit ça ! Pourquoi, et surtout comment, Verity avait-elle apparu, ici, sans l’aide du Tardis ? J’étais tellement heureuse de la revoir que je n’avais pas compris. C’était ça, je n’étais ni dans la réalité, ni dans une illusion. J’étais dans autre chose, sans doute ce que l’illusion de Verity avait nommé la matrice.
Puis, je me tournai vers Jenny.

R : S’il y a un truc qui me déplaît, c’est qu’on essaie de se faire passer pour un de mes amis, et, à plus forte raison, pour ma meilleure pote !

Je regardai Jenny, qui me fixa, surprise.

R : En fait, quand j’ai plongé dans la flotte, derrière mes amis, je ne les ai jamais rejoints, et je me suis retrouvée dans la matrice. Je suppose que mon corps est quelque part, et que ma conscience se trouve ici, dans cet environnement étrange. Mais, pourquoi ?  Qui êtes-vous ? Qu’attendez-vous de moi ? Et surtout, quittez l’apparence de mon amie, c’est une insulte pour elle !

« Jenny » changea d’apparence, pour en prendre une que je ne connaissais pas.

G : Bien joué, vous avez compris. Je m’appelle Gaïbe, et j’étais autrefois une dame du temps, condamnée à être envoyée ici, parce que j’avais aidé à construire cet univers de poche, que j’en connaissais tous les secrets, mais que je refusais d’en faire un endroit de mort et de désolation. J’ai erré pendant des siècles, en tentant d’échapper à Ruoms, l’intelligence artificielle corrompue qui a pour mission de tromper, mentir et torturer les condamnés en cet endroit, sans leur laisser aucun répit. Puis, j’ai fini par trouver cette grotte, que j’ai patiemment configurée, et qui a été créée en tant que matrice. J’espérais, à partir d’elle, rendre aux limbes l’apparence et la finalité qu’elles avaient au début. Mais, j’ai échoué, et je me suis faite tuer. Mon esprit a été condamné à rester bloqué pour l’éternité sans qu’aucun seigneur du temps ne puisse m’aider, m’accorder le repos, et ce, depuis plus de dix mille ans, ma conscience reste bloquée dans cette grotte. Et, maintenant, les limbes s’effondrent, Ruoms espère qu’il pourra s’enfuir avec vous, pour faire d’un autre univers la même chose qu’ici. Et, c’est pour ça qu’il vous a attirés dans cette grotte, pour vous enfermer dans une illusion. Seulement, il y a quelque chose qu’il n’a pas prévu. Tu es d’une race inconnue ici, et ça a fait bugger la matrice, et t’a amenée ici. Mais ça m’a rendu l’espoir, puisqu’aucun seigneur du temps ne peut m’aider, peut être que toi, tu pourras me donner le repos, mettre un terme à mes tourments.

R : Mais pourquoi vous faire passer pour Jenny ?
G : Je n’avais pas le choix, il me fallait contrer la matrice, éviter d’éveiller les soupçons de Ruoms. Aussi, j’ai pris celle-là, parce qu’elle était arrivée avec vous, ça aurait pu passer pour elle, comme j’ai essayé de vous aider en en utilisant une autre, issue de votre esprit.

R : Et, comment savoir si je peux vous faire confiance ? Si tout n’est qu’illusion ? Vous pourriez en faire partie aussi.

G : j’ai beaucoup à espérer de vous, et, vous, rien de moi. Ce que je veux, c’est qu’on me laisse mourir, alors que vous vous débarrassiez de moi parce que vous ne me faites pas confiance, ou simplement par compassion, pour moi, c’est pareil. Et, en échange, je vais vous apprendre deux ou trois trucs sur les points faibles des limbes, et, comment vaincre Ruoms. Après tout, votre étrange race vous met à l’abri de ses capacités, et vous permettra de retourner la matrice contre lui.

Et, elle m’apprit comment détourner les illusions de la matrice, les détecter. Comment désactiver le serveur noyau et faire taire Ruoms, et toutes les illusions des limbes. Puis, elle me demanda de mettre un terme à ses souffrances. Et je décidai de le faire. Comme elle me l’avait montré, je pouvais lui créer une porte qui l’amène hors de la matrice. L’esprit que j’avais en face de moi se mis à scintiller, puis, me sourit, avant de franchir cette porte, en murmurant un petit merci.

J’avais deux possibilités, rejoindre mon corps, ou rejoindre les autres. Il valait mieux que je confronte Ruoms directement, aussi, je pris la porte qui m’amena dans un autre cluster de la matrice, là où était la conscience de mon docteur. Il était justement en train de discuter avec une fille qui ressemblait à Serenity.

R : Salut Ruoms, on se fait passer pour la personne que nous cherchons, juste pour pouvoir nous accompagner ? Désolée, mais, je sais où est la vraie Sérénity ! Et, quand j’en aurai fini avec toi, nous n’aurons aucun mal à la récupérer, elle, et ses compagnons ! Enfin, docteur, tu ne t’es pas posé la question ? Comment une fille, qui est enfermée ici depuis avant ta naissance, te connait, et t’appelle par ton nom ?

Ruoms reprit sa forme d’origine, qui ressemblait un peu à celle d’un terminator.

Ruoms : Et, tu crois que je vais te laisser faire ? Tu es sur mon territoire !

Rose : Non, Ruoms, tu es dans une matrice, faite par, et pour les seigneurs du temps. Et moi, j’échappe à ton contrôle, car je ne suis pas une dame du temps, tu peux plutôt me voir comme un sale virus qui va tout détruire ton joli programme ! Etre une faible petite humaine, ça n’a pas que des désavantages, ça nous rend plus accessibles aux ténébros, mais, ça permet de pouvoir faire ce qu’on veut ici.

Je m’avançais vers lui, et je le voyais reculer, lentement. Il devait tenter d’utiliser la matrice, ses programmes, mais, je ne pouvais même pas les distinguer, vu qu’ils ne concernaient pas les humains. Puis, je posai la main sur son épaule, en lui prononçant la phrase de désactivation !

Le décor s’effaça, dans une sorte de fondu, puis, je repris conscience dans mon corps, qui, lui, avait dû prendre cher en tombant. Il n’y avait pas d’eau là où j’étais, et j’avais dû tomber du dôme tout là-haut, et j’avais super mal.

Je vis mes compagnons, un peu plus loin, qui semblaient se relever. Et, je remarquai que Gaïbe ne m’avait pas menti, des cuves de stase se trouvaient plus loin, c’était là que se trouvait Serenity, et ses compagnons.